Quand vient minuit, quand d’autres s’endorment, nous devenons, pour la nuit, trois vives panthères, qui en un éclair, savent bondir sans un bruit. Sœur et solidaire, sur terre ou en l’air, relevant tous les défis : Cat’s Eyes !
Que l’on ait ou non grandi avec l’adaptation de cet excellent titre de Tsukasa Hojo, tout le monde connaît ce fameux générique de la version française de l’anime japonais : Signé Cat’s Eyes. Un titre qui a su rester dans la mémoire collective au même titre que son suivant : City Hunter, alias Nicky Larson. Mais si ce dernier à eu le droit à une adaptation de sa version française des plus convaincante, Cat’s Eye a-t-il eu la même chance ?
Un peu de contexte
Cat’s Eye est un manga écrit par Tsukasa Hojo de 1981 à 1985 pour un total de 18 tomes publiés en France chez Tonkam, puis Panini, notamment dans une excellente édition de luxe en 15 tomes.
Il continuera en étoffant son univers avec le légendaire City Hunter de 1985 à 1991, mais ceci est une autre histoire.
Cat’s Eye, fort de son succès, est adapté en anime entre 1983 et 1985 pour un total de 73 épisodes produits par la TMS (Tokyo Movie Shinsha). A noter qu’il est réalisé par Yoshio Takeuchi, qui avait fait ses armes sur Attack No. 1 (Les Attaquantes dans sa version FR), nous avait étonné avec Space Adventure Cobra et nous mettra une véritable claque quelques années plus tard avec la réalisation d’AKIRA. Un monsieur qui sait ce qu’il fait et le fait bien. En France, le succès de l’anime est également au rendez-vous avec sa version « Signé Cat’s Eyes », diffusé dès 1986 sur FR3, puis en 1997 dans les Minikeums. Elle sera par la suite rediffusé à de nombreuses reprises, avant d’être disponible sur MYTF1 jusqu’en 2023.
Si dans sa version japonaise, l’opening est interprété par la chanteuse de City Pop de grand talent Anri, en France, c’est Isabelle Guiard, actrice, qui s’y colle. La superbe animation d’origine est remplacée par un montage permettant à peine de remplir les 45 secondes du générique et l’adaptation est sommaire, mais le succès est immédiat et restera dans les mémoires longtemps.
Le cadeau de Noël qui sent le sapin
Jusque là, autre une excellente conservation de l’animation d’époque rendant l’adaptation anime toujours aussi saisissante, Cat’s Eye avait été relativement épargné par les mauvaises idées, contrairement à son suivant City Hunter, qui avait très vite eu le droit à son Niki Larson. Une quiétude qui aurait sûrement dû durer encore de nombreuses années.
Les remakes, nauséabonds ou non, sont à la mode. Netflix nous a montré grâce à son savoir faire si unique, qu’on pouvait produire des adaptations live pour Death Note et Cowboy Bebop et tout de même gagner de l’argent. Un fait établi depuis bien longtemps et on ne peut plus utilisé, par exemple par le fameux studio d’animation allemand Dingo Pictures. Pour gagner de l’argent, se poser sur une licence existante et populaire, ça marche, peu importe la production.
Il y a quelques mois, TF1 a posté un communiqué pour nous annoncer la bonne nouvelle : ils préparent une version “série française” de Cat’s Eye. Septiques ou positifs, les images sont peu nombreuses et la communication relativement discrète.
Finalement, TF1 diffuse les 8 épisodes du 6 Novembre au 27 Novembre 2024, à raison de 2 épisodes tous les mercredis, en simultané avec TF1+.
Les bons points
L’avantage, c’est que ça va vite. Premier bon point : Élodie Fontan. Si celle-ci nous avait déjà étonné avec son excellent jeu dans Nicky Larson et le parfum de la rose, elle joue cette fois Prudence, une tueuse à gage impitoyable et dont la prestation, malgré la faiblesse d’écriture et de définition du personnage, survole largement le reste de la production. Deuxième bon point, Alexandre Laurent, le réalisateur, fait quelques efforts pour tenter de sortir des scènes de l’anonymat des séries FR sans effort. Dommage pour lui que la technique peine à suivre.
Comme les clio, elle a tout d’une grande, mais ce n’en est pas une
Par quoi commencer ? Le scénario ? Si l’idée de faire une préquelle n’est pas particulièrement mauvaise, la mise en place est chaotique, basé essentiellement sur le “c’est magique” et les liens avec l’œuvre originale sont extrêmement mal définies. Le cadre parisien et de la police ne sont pas maîtrisés, et ça se voit. Les scènes sont lunaires, les informations sont contradictoires, les personnages manquent de consistances et les ficelles, quand elles sont utilisées, nous sont jetés en pleine figure. Enfin, les dialogues sont consternants, comme les tentatives d’humour, qui tiennent plus du placement produit qu’autre chose (d’autant plus quand on les répète encore et encore).
Parlons-en justement ! Le placement produit… Si nombre de séries ont joué de la publicité avec humour et bon goût pour placer discrètement des produits, ici, c’est très loin d’être le cas. Non seulement ils sont nombreux, mais la réalisation les rend absurdement mis en avant… A croire qu’il n’y a que des clio nouvelle génération dans Paris et que même les riches millionnaires ne peuvent plus s’en passer !
Puisqu’on parle de la réalisation… Si celle-ci fait des efforts, elle se retrouve également à faire des fautes de débutant, du simple faux raccord aux champs / contre-champs ratés. Celle-ci tente également de mettre en avant les lieux où se déroulent l’action, à savoir des grands monuments, mais manquent visiblement de moyen pour y parvenir, que ce soit d’argent ou de technique.
Justement, la technique. S’il y a un point compliqué dans cette série, c’est bien la technique. Le focus est visiblement aspiré par les murs, qui sont toujours net, contrairement aux personnages à l’écran. Si ceux-ci ont le malheur de se déplacer de quelques centimètres, l’enfer débute ! La moindre action est très vite illisible, rendant l’image désagréable, à l’instar de Foudre (oui, la série France 2). Si une bonne partie de la série se passe la nuit, la maîtrise de la basse luminosité et du clair obscure est visiblement à revoir, tenant plus de la VHS mal encodée que de la production digitale moderne. Les décors sont catastrophiques, caricaturaux et ridicules, tout comme la plupart des costumes.
Transition naturelle vers les acteurs et les personnages. En plus du virage woke remarquablement inutile, puisqu’il suffisait d’introduire de nouveaux personnages plutôt que de massacrer les anciens, le jeu comme la direction laissent à désirer. En dehors d’Élodie Fontan et de quelques acteurs “guest”, les prestations sont discutables, visiblement calibrées sur les scènes de dispute et non sur les fondamentaux de l’œuvre originale. On notera la prestation de la police qui tient plus du Gendarme de Saint-Tropez que du représentant de la loi (d’autant qu’ils ne connaissent visiblement, ni la loi, ni les bases d’une intervention en cas de coup de feu).
Sans transition cette fois, parlons musique. Si les quelques rappels aux années 80 sont les bienvenus, les morceaux composés pour l’occasion par François Liétout sont une torture. Désagréables auditivement, les références sont criardes et sans aucune logique avec le titre. Un cliché 80’s qui s’exprime par une pseudo synthwave qui ferait passer le dernier album d’Arielle Dombasle pour la production de l’année. Un attachement aux références qui s’applique jusque dans la reprise du générique français d’époque. Si Nicky Larson et le parfum de la rose avait eu le bon goût de rappeler Jean-Paul Césari, Signé Cat’s Eyes n’a visiblement pas eu l’intention de mettre en avant Isabelle Guiard, déjà lésée à l’époque par une erreur des maisons de disque qui signeront le générique par Danièle Hazan.
Bref, nous sommes ici en présence d’une production made in France de mauvaise facture, qui vend avant tout son nom. Il en reste malgré tout un divertissement qui semble correct pour peu qu’on ne lui attache pas plus d’attente que celui qu’on aurait face à un épisode de Joséphine ange gardien ou de Plus belle la vie.
Réception dissonante
La critique, si tant est qu’on tente de les regrouper sous cette bannière, n’est pas d’accord. Si Télé-Loisirs et Allociné trouvent la série à la hauteur de ses ambitions, les journaux et autres médias plus sérieux sont bien plus critiques. Le Point souligne la bonne prestation d’Elodie Fontan, le Figaro et France Inter, quant à eux, mettent plutôt en avant la pâleur de la production et le manque d’écriture globale de la série.
Un point de vue dissonant qui se diffuse jusque chez les spectateurs, avec un 2.9 sur allociné. Des points de vues que l’on retrouve même dans Le Yolo Show, puisqu’on y retrouve un avis très négatif (le mien), un avis moyen et un avis plutôt positif.
Tsukasa Hojo aurait lui-même validé le projet et tenu à vérifier tout au long de la production que cela ne dénature pas l’œuvre originale. Un fait qui, étant donné la rigidité, justifié, du mangaka dans sa collaboration avec Philippe Lacheau et ses équipes, laisse dubitatif.
Quoi qu’il en soit, la putacliquerie criarde de TF1 à fait mouche, puisque les audiences sont excellentes, quoi qu’en descente épisode après épisode. Un succès qui risque bien d’amener d’autres séries dérivés du même calibre…