Pourquoi se réincarner en héros sauveur de l’humanité quand on peut se réincarner en cochon ? Cruelle destinée qui s’acharne ainsi sur notre héros, simple étudiant sans grandes histoires, ni grandes ambitions, légèrement pervers sur les bords et qui flirt de temps à autre avec le concept d’otaku. Quelqu’un de finalement assez fade qui trouve sa consistance dans la critique amère d’autrui, quitte à juger sans consistance ni objectivité toute personne parvenant à trouver de l’intérêt là où lui ne peut que les imiter, dans l’attente vaine d’un sentiment d’appartenance à un groupe.
Butareba : dur, dur d’être un cochon
Quel n’est pas la surprise de notre héros de se réveiller dans une porcherie. La surprise est d’autant plus présente que celui-ci est sauvé par une magnifique demoiselle : Jess. Mais celle-ci n’est pas une humaine ordinaire, puisque c’est une yesma. Capable de lire dans les pensées et d’utiliser la magie, elle est toutefois au service des humains, qui lui réservent généralement un traitement assez peu enviable. Mais la vie pourrait malgré tout être encore moins paisible que cela…
Nous nous retrouvons donc une fois de plus dans un isekai. L’univers est semi-médiéval, jouant de la magie pour faire évoluer son niveau de civilisation. La relation entre les humains et les yesma s’annonce assez intéressante si l’on suppose que cela va plus loin qu’une simple haine gratuite générée par la peur de la différence. De plus, quelques bribes éparses de la géopolitique de ce monde sont jetées, laissant entendre une intrigue sur le long terme.
Si le cadre s’avère assez intéressant, voire intriguant, le héros, lui, contrebalance tout cela. Il se définit lui-même comme un otaku, mais n’a visiblement pas d’autres critères que ceux du registre de la perversion et se définit lui-même comme un “gros porc”. Non seulement son point de vue et ses jugements sont arbitraires, mais ils sont très réducteurs. J’ignore si cette impression vient de la traduction, du texte du manga ou du light novel d’origine, mais soit l’auteur fait tout pour rendre son héros détestable, soit il n’a jamais rencontré d’otaku dans sa vie.
A contrario, le personnage de Jess est la sympathie incarnée. Alors que sa situation est déjà loin d’être simple, elle aide un porc par pure bonté d’esprit, tout en supportant ses réflexions et ses idées perverses sans même froncer les sourcils. Certes, cela change des personnages féminin tsundere. Mais Jess accepte sans broncher absolument tout, avec un sourire d’ange et des expressions faciales n’exprimant que la pureté de ses pensées. On en retire une sensation assez étrange quant à son comportement, lui donnant un côté presque robotique, le côté évolution en moins. De plus, le héros ne semble pas chercher le moins du monde à développer son esprit d’indépendance, mais exprime plutôt un désir presque injustifiable de la protéger, qu’on pourrait voir comme une expression clichée du moe.
Butareba ou l’histoire de l’homme devenu cochon est un manga dessiné par Minami et scénarisé par Takuma Sakai. Le 1er tome est sorti le 6 Mars 2024 chez Soleil dans la collection Fantasy et le second est annoncé pour le 12 Juin 2024. Au Japon, il y a déjà 5 tomes qui adaptent le light novel d’origine : Buta no Liver wa Kanetsu Shiro. Une adaptation anime a également vu le jour en 2023 pour 12 épisodes chez Crunchyroll.
Le Cochon, la Chèvre et le Mouton
La construction du titre est à l’image de son héros. Certaines parties sont répétées sans réelle justification et les discussions tiennent souvent du dialogue de sourd. Le rythme est en dent de scie, même s’il nous mène malgré cela à un cliffhanger convainquant. Certains enchaînements sont assez peu naturels, et cassent la lecture le temps d’y chercher un sens.
Côté dessin, en revanche, c’est du très bon. Minami donne tout le sel du titre dans une technique impeccable. Le charadesign des personnages leur donne un côté mignon qui les rend sympathique et presque attachant. La gestion des trames est très bien maîtrisée et met parfaitement en valeur les charmes prudes de Jess. Les trames de fonds sont peu présentes et peu détaillées, mais la spatialisation de l’action est bien conçue et cela ne gêne donc pas la lecture outre mesure. Si on sent l’implication du dessinateur(e) dans certaines planches, il faut bien avouer que ce n’est pas la cas pour toutes.
L’édition est de bonne qualité et il faut bien avouer que la couverture donne envie. La couverture cartonnée est également sympathique.
Conclusion ?
A qui s’adresse ce titre ? Premièrement, pas aux otaku, qui se sentiront sûrement tout aussi offensés que moi par le héros. Deuxièmement, à un public friand d’isekai, qui ne dit pas non à un ecchi totalement injustifié, mais qui ne cherche pas une comédie romantique.
Si Butareba possède un travail et un intérêt graphique certain, je n’ai pas du tout apprécié les choix scénaristiques de celui-ci. Si je doute que la suite change mon point de vue, je laisse toutefois le bénéfice du doute. Pour le moment, à titre personnel, c’est un non.