À la rentrée 2023, Laura, consultante fraîchement diplômée de l’Edhec, a vu sa mission au sein d’une grande banque française s’achever brutalement. « On m’a dit que ChatGPT pouvait faire mon travail, un peu moins bien, mais beaucoup moins cher », raconte-t-elle. Dans les bureaux feutrés des cabinets parisiens, l’inquiétude gronde : la recherche d’informations et la synthèse, jadis cœur de métier des juniors, deviennent aujourd’hui des commodités offertes par des outils accessibles à tous.
Des PowerPoint générés en un claquement de doigts
En quelques secondes, un prompt bien ficelé suffit à obtenir une présentation de 20 slides, design inclus : titres hiérarchisés, schémas automatiques, images libres de droits… Un responsable marketing m’a confié avoir testé Microsoft Copilot pour monter un deck en 10 minutes, contre une demi-journée auparavant (Microsoft). Les gabarits se déclinent au gré des besoins – rapport financier, stratégie produit ou bilan annuel –, et s’adaptent même aux couleurs de la charte graphique. Pour les consultants pressés, c’est un gain de productivité indéniable, mais aussi la disparition des travaux de mise en forme qui exigeaient rigueur et patience.
Excel dopé à l’intelligence artificielle
Sur le tableur, l’IA ne se contente pas de suggérer des formules : elle interprète les données, propose des classifications et génère des simulations de tendances en un clic. Un collègue a vu son fichier de 5 000 lignes nettoyé, analysé et agrémenté d’un tableau croisé dynamique par l’outil Ask Data d’une suite bureautique, sans aucune ligne de code (Gartner prévoit que 70 % des entreprises utiliseront l’IA générative pour leurs tâches bureautiques d’ici 2026). Les macros, véritables serpents de mer pour beaucoup, sont désormais créées sur simple requête textuelle : « Crée-moi une macro qui consolide les ventes mensuelles par région ». Gain de temps et d’efficacité, mais perte d’un savoir-faire traditionnel, autrefois confié aux consultants juniors.
Un secteur forcé de monter en gamme
Face à cette automatisation rampante, les cabinets misent sur la valeur ajoutée stratégique : insights, accompagnement du changement et expertise métier. Les managers évoquent une « montée en gamme » indispensable, selon Syntec Conseil. Les missions purement opérationnelles – benchmarking, reporting, mise en forme – risquent d’être internalisées ou confiées à l’IA, tandis que les analyses complexes et la recommandation sur mesure deviendront le cœur du conseil.
Des opportunités et des risques
L’IA ouvre des perspectives enthousiasmantes : personnalisation des livrables, réactivité accrue et réduction des coûts. En 2025, l’Ordre des experts-comptables estime que ces outils permettront de libérer 30 % du temps habituellement consacré aux tâches répétitives. Mais cette course au tout-automatique suscite aussi des craintes : uniformisation des livrables, dépendance technologique, et questions de confidentialité des données sensibles.
Pour Laura, la plongée dans cette révolution est aussi une invitation à se réinventer. Automatisation, montée en gamme, productivité, efficacité, innovation : autant de défis à relever pour que le consultant de demain reste un pilier indispensable de la stratégie d’entreprise. Au bout du compte, l’IA ne terrassera pas ceux qui sauront intégrer ces nouveaux outils à leur expertise – elle les propulsera.