En vue de la prochaine génération des réseaux mobiles, la 6G, la France prend une longueur d’avance. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a récemment lancé une consultation auprès des principaux opérateurs de télécoms français (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free) pour préparer la redistribution des fréquences qui alimenteront ces réseaux d’ici à 2035. Cette démarche stratégique vise à anticiper les besoins et usages futurs liés à cette technologie encore en développement, afin de garantir une transition fluide et efficace vers cette nouvelle ère connectée.
Préparer la transition vers la 6G : les enjeux du spectre radioélectrique
L’arrivée de la 6G s’accompagne d’un défi majeur : la réorganisation complète du spectre radioélectrique. Actuellement, chaque opérateur détient des licences d’exploitation sur des bandes de fréquences spécifiques, comparables aux concessions autoroutières.
Ces bandes sont classées en basses, moyennes et hautes fréquences, offrant chacune des atouts différents. Les bandes basses (700 à 900 MHz) couvrent efficacement les zones rurales grâce à leur capacité à franchir les obstacles, tandis que les bandes hautes (comme la 3,5 GHz) assurent des débits très rapides, mais sur de courtes distances. Les bandes intermédiaires (1800 à 2600 MHz) assurent un compromis entre couverture et performance.
Les licences d’utilisation actuelles arriveront à expiration entre 2030 et 2035, coïncidant avec la mise au point et le déploiement attendu de la 6G dans la prochaine décennie. Cette proximité temporelle est un atout précieux pour planifier une transition en douceur. L’ARCEP, consciente de cet enjeu, a lancé une consultation approfondie pour questionner les opérateurs sur leurs besoins en termes de fréquences, d’usages anticipés et de nouvelles technologies à intégrer, comme l’intelligence artificielle embarquée dans les antennes relais ou la connectivité satellite. La réponse des opérateurs, attendue pour la mi-décembre, orientera les décisions stratégiques pour les quinze prochaines années.
La bande 6 GHz : un nouvel espace stratégique au cœur des négociations
Un des axes majeurs de cette réorganisation porte sur la bande haute des 6 GHz (entre 6425 et 7250 MHz). Identifiée récemment au niveau international comme une ressource précieuse, cette bande offre une capacité supplémentaire indispensable pour faire face à la croissance exponentielle du trafic mobile lié à la multiplication des objets connectés, au streaming vidéo haute définition et à l’essor des applications d’intelligence artificielle.
Toutefois, la bande 6 GHz est également très convoitée par le secteur du Wi-Fi, où les débats européens s’intensifient pour déterminer qui, entre les réseaux mobiles et le Wi-Fi, aura la priorité sur ce spectre. Une décision européenne est attendue d’ici 2027.
Par ailleurs, d’autres bandes complémentaires seront prochainement libérées, notamment celle autour de 3,5 GHz et une autre à 1,4 GHz, avec des contraintes spécifiques comme les zones aéroportuaires. Le régulateur invite les opérateurs à quantifier leurs besoins sur ces fréquences pour défendre au mieux la position française.
Vers une couverture mobile universelle grâce aux satellites en orbite basse ?
En outre, l’ARCEP étudie également les possibilités offertes par la connectivité directe par satellite vers les terminaux mobiles (direct-to-device). Ce système pourrait révolutionner la couverture, en particulier dans les zones blanches difficiles d’accès, grâce à des constellations de satellites en orbite basse comme celles développées par Starlink ou Thales.
Cette consultation intervient dans un contexte où les investissements dans les réseaux mobiles atteignent déjà des sommets, avec plus de 12 milliards d’euros dépensés en 2024, renforçant la complexité économique des choix à venir. L’issue de ce processus déterminera comment les infrastructures mobiles françaises évolueront dans les années 2030, avec des répercussions sur la souveraineté numérique, l’écologie et la couverture, notamment en intérieur où le bâti moderne pose déjà des défis de pénétration des ondes.
